Un article du Monde daté de 1950


À la télévision, moins qu'ailleurs
l'improvisation n'est monnaie payante. On nous avait promis les Folles amoureuses, on nous offre au dernier moment A moi... touché !, de Prat et Lucot, documentaire anecdotique et technique sur l'art de croiser le sabre et l'épée à travers les âges, pour l'honneur ou pour le sport. Or si l'anecdote était fort bien contée, rapide, vivante, la technique, sur notre écran, devenait chose lente et ennuyeuse, faisant terriblement traîner le rythme, cette qualité première de la télévision.

Mais procédons par ordre.

Découpage habile, mêlant très heureusement séquences de films et prises de vues directes, et en quelques instants renaît l'âme des grands ferrailleurs de l'histoire. Duels à la dague et à l'épée, chers aux habitués du Pré-aux-Clercs, assauts nostalgiques de demi-soldes, avec tourbillons de sabres. Des figurants adroits sur le plateau, de bons costumes, des gravures d'époque bien présentées, des scènes de bravoure extraites de Capitaine Fracasse, Colonel Chabert et la Rabouilleuse. Un commentaire spirituel. Et voici pour ta première et excellente partie du spectacle.


Mais cette deuxième partie ! Ces cours d'escrime décomposée, cette tristesse de salle d'armes éteinte où le petit garçon et le vieux monsieur nous prouvent péremptoirement, face au maître chauve et débonnaire, que " l'escrime est un sport pour tous ". Et ces répertoires complets d'attaques, de paroles, de saluts toujours répétés, jamais terminés ! Que de souvenirs de collège, de leçons ennuyeuses parce que obligatoires, retrouvés dans cet exposé scolaire, et seulement cela ! Nous ne saurions trop conseiller aux réalisateurs des cours de technique sportive télévisée (qui doit exister et peut devenir passionnante) d'aller revoir Tennis, ce court métrage commenté par Cocteau. Sans doute y ont-ils déjà pensé ; la partie historique de A moi, touché le rappelait en effet. Pas l'autre, malheureusement.

MICHEL-DROIT.

19 mai 1950